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LES LANDES FANTASTIQUES par Victor Hugo

Après une description enchanteresse de la traversée des Landes, Victor Hugo laisse voguer sa plume vers l’imaginaire. La magie des mots nous transporte dans les lieux évoqués. Une harmonie s’installe entre ces tableaux de peinture littéraire et les photographies de l’ancienne lande de Félix Arnaudin. Même si les deux hommes ne sont pas contemporains, chacun dans son oeuvre avec son talent sait encore nous émouvoir sur ces paysages uniques à l’atmosphère mystérieuse. Et si de surcroît, nous sommes enfants de Gascogne, le plaisir  de partager l’extrait ci-dessous se fait impérieuse.

EN VOYAGE ALPES & PYRENEES chapitre II de Bordeaux à Bayonne

[…]

« Cependant, par moments, entre deux branches d’arbre que le vent écarte joyeusement, on aperçoit au loin à l’horizon les bruyères et les pinadas voilées par les rougeurs du couchant, et l’on se souvient qu’on est dans les landes. On songe au delà de ce riant jardin, semés de toutes ces jolies villes, Roquefort, Mont-de-Masan, Tartas, coupé de toutes ces fraîches rivières, l’Adour, le Douze, le Midou, à quelques lieux de marche est la forêt, puis au delà de la forêt la bruyère, la lande, le désert, sombre solitude où la cigale chante, où l’oiseau se tait, où toute habitation humaine disparaît, et que traversent silencieusement, à de longs intervalles, des caravanes de grands boeufs vêtus de linceuls blancs ; on se dit qu’au delà de ces solitudes de sable sont les étangs, solitudes d’eau, Sanguinet, Parentis, Mimizan, Léon, Biscarrosse, avec leur fauve population de loups, de putois, de sangliers et d’écureuils, avec leur végétation inextricable, surier, laurier franc, robinier, cyste à feuilles de sauge, houx énormes, aubépines gigantesques, ajoncs de vingt pieds de haut, avec leurs forêts vierges où l’on ne peut s’aventurer sans une hache et une boussole ; on se représente au milieu de ces bois immenses le grand Cassou, ce chêne mystérieux dont le branchage hideux versait sur toute la contrée les superstitions et les terreurs. On pense qu’au delà des étangs il y a les dunes, montagnes de sable qui marchent, qui chassent les étangs devant elles, qui engloutissent les pinadas, les villages et les clochers, et dont les ouragans changent la forme ; et l’on se dit qu’au delà des dunes il y a l’océan. Les dunes dévorent les étangs, l’océan dévore les dunes.

IMAG0439  écomusée marquèze

Ainsi les landes, les étangs, les dunes, la mer, voilà les quatre zones que la pensée traverse. On se les figure l’une après l’autre, toutes plus farouches les unes que les autres. On voit les vautours voler au-dessus des landes, les grues au-dessus des lagunes, et les goélands au-dessus de la mer. On regarde ramper sur les dunes les tortues et les serpents. Le spectre d’une nature morne vous apparaît. La rêverie emplit l’esprit. Des paysages inconnus et fantastiques tremblent et miroitent devant vos yeux. Des hommes appuyés sur un long bâton et montés sur des échasses passent dans les brumes de l’horizon sur la crête des collines comme de grandes araignées. On croit voir se dresser dans les ondulations des dunes les pyramides énigmatiques de Mimizan, et l’on prête l’oreille comme si l’on entendait le chant sauvage et doux des paysannes de Parenties, et l’on regarde au loin comme si l’on voyait marcher pieds nus dans les vagues les belles filles de Biscarrosse coiffées d’immortelles de mer.

Car la pensée a ses mirages. Les voyages que la diligence Dotézac ne fait pas, l’imagination les fait. »

IMAG0431écomusée marquèze

Espérons que ce beau passage du carnet de Victor Hugo vous ait convaincu de la beauté poétique des Landes d’autrefois. Même si le pays a bien changé, il reste des coins encore bien parfumés de ce voyage là.

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